POUR CEUX QUI NE SONT PAS SUR LA CARTE

(Ralph Waldo Emerson) ▽ The only person you are destined to become is the person you decide to be.

Il était toujours désagréable d'être sorti de son sommeil par une sonnerie de réveil des plus stridentes mais dès qu'il ouvrit les yeux ce matin-là, Randy Orton sut pertinemment qu'il ne pouvait pas s'accorder le luxe de traînasser au lit. Ces derniers mois, il avait eu le loisir d'organiser ses journées comme il le désirait profitant du fait qu'il était déchargé de toute obligation professionnelle mais dès cette semaine, son emploi du temps promettait d'être beaucoup plus fourni et à moins d'un changement de dernière minute, il ne risquait pas de désemplir de sitôt. Randy Orton en était le premier ravi: si il avait d'abord cru qu'une vie loin du ring pourrait lui sied, il avait vite déchanté excluant par la même occasion l'idée d'une retraite anticipée. Du coup, lorsque la EPWE avait fini par lui faire les yeux doux, il n'avait pas hésité une seule seconde avant d'imposer sa signature en bas du contrat juteux que la fédération lui proposait. Dès que la mèche avait été vendu au grand public, Randy Orton avait été assailli d'appels en tout genre: en effet, bon nombre de médias l'avaient contacté dans le but d'obtenir une interview exclusive au nez et à la barbe de leurs rivaux. A la demande de la EPWE, il avait choisi de laisser la fédération mener les négociations comme elle le désirait et c'est finalement une radio très réputée qui avait décroché le gros lot. D'ailleurs, c'est précisément pour cette raison que Randy Orton était monté sur ressort en ce début de matinée et qu'il donnait ainsi l'impression d'être une véritable pile électrique. Dans moins d'une heure, il allait enfin sortir de l'anonymat en donnant sa première interview depuis son départ de la WWE. Autant dire que bon nombre d'auditeurs risquaient d'être pendu à ses lèvres et qu'il ne voulait pas se planter dans les grandes largeurs. Les dés étaient jetés: plus question de de vivre dans le passé, le regard de Randy Orton était désormais tourné vers l'avenir.






Animateur - Chers auditeurs, je sais que vous trépignez d'impatience depuis le début de la matinée mais vous pouvez désormais arrêter de vous ronger les ongles. Je ne vous cache pas que c'est un honneur pour moi d'être assis en face de lui et je ne boude pas mon plaisir d'être en sa compagnie. Mesdames et Messieurs, le seul et l'unique Randy Orton. Cela fait chaud au coeur de vous revoir en chair et en os, où étiez-vous passé durant tout ce temps?

Randy - Merci pour cet accueil chaleureux, je ne vous cache pas que le temps m'a paru long ces derniers mois et qu'il me tardait d'être de retour sous les feux de la rampe. Ces vacances forcées ont failli me conduire à ma perte mais j'en ai également profité pour me remettre en question et j'ose croire que cela m'a été bénéfique.

Animateur - En somme, vous aviez le moral en berne. Comment l'expliquez-vous? Après tout, vous étiez libre de faire ce qu'il vous plaisait, cela ne devait pas être si désagréable.

Randy - Les première semaines, je dois admettre que j'étais comme un poisson dans l'eau. J'ai été rendre visite à mon ex-femme et à ma petite fille puis je suis parti en Australie pour me ressourcer: c'était le pied. Sauf que par la suite, j'ai éprouvé comme une sensation de manque et malgré tous mes efforts, je n'ai jamais été en mesure de combler ce vide que j'éprouvais au fond de mon cœur. Vous savez, on dit souvent que l'on se rend compte de l'importance d'une chose seulement après l'avoir perdue et c'est une réalité que l'on ne peut nier: j'en ai fait l'amère expérience. Je comprends que mon raisonnement soit difficile à comprendre pour certaines personnes et d'ailleurs, loin de moi l'idée de me plaindre mais j'étais malheureux parce que l'on m'avait privé de ma raison de vivre: le catch. C'est aussi simple que cela...

Animateur - Je comprends votre point de vue. Est-ce ce mal-être qui vous habitait qui vous a conduit à signer avec la EPWE?

Randy - Dans ma situation, j'avais même envisagé de rejoindre le circuit indépendant afin d'exercer ma passion. Je me fichais éperdument de ne pas bénéficier d'un gros cachet: l'argent n'était pas mon leitmotiv dans ma position car j'avais simplement envie de ressentir ces émotions que seule la lutte a été capable de m'apporter au cours de mon existence. Alors forcément, vous imaginez bien que lorsque la EPWE m'a contacté, j'ai tout de suite répondu favorablement à leur offre. D'ailleurs, cela n'a pas fait l'ombre d'un doute dans mon esprit: encore aujourd'hui, je suis convaincu d'avoir pris la bonne décision.

Animateur - Et avant que la fédération ne fasse appel à vos services, étiez-vous un fervent admirateur de la compagnie?

Randy - Oui, bien évidemment. La EPWE a connu une ascension fulgurante et ce n'est pas le simple fruit du hasard. Le plus difficile, ce n'est pas forcément d'atteindre les sommets, c'est d'être capable d'y rester dans la durée. Or, si la fédération connait autant de succès, c'est que les différents shows qu'elle propose sont de qualité et qu'elle cherche continuellement à améliorer le produit qu'elle diffuse. Croyez-moi, je sais où je mets les pieds et il me tarde d'être sous le feu des projecteurs.

Animateur - Quels sont vos objectifs personnels?

Randy - Si je me projette sur le long terme, mon but est simple: je veux devenir le nouveau visage de cette fédération. Malgré tout, je ne veux pas brûler les étapes pour la simple et bonne raison que je ne considère rien comme acquis dans mon esprit. Je sais parfaitement qui je suis et d'où je viens mais je n'ai pas la prétention d'exiger quoi que ce soit sous prétexte que je possède un palmarès des plus prestigieux. Je n'ai aucune intention de me reposer sur mon passé car je considère que mon arrivée à la EPWE marque le début d'une nouvelle étape dans ma vie. Comme je l'ai dit précédemment, j'ai eu le temps de me remettre en question au cours de ces derniers mois et je me sens plus en paix avec moi-même.


Animateur - Est-ce que cela signifie que nous serons amenés à voir un nouveau visage de Randy Orton à la EPWE?

Randy - C'est une possibilité qu'il ne faut pas exclure. Ce qui est certain, c'est que je suis animé d'une nouvelle force et que je suis plus posé, plus réfléchi. Croyez le ou non mais d'une certaine manière, la musique d'entrée qui résonnait chaque fois que je pénétrais dans une arène de la WWE était le reflet parfait de ma personnalité de l'époque. Attention, je ne suis pas en train de dire que j'étais comme Jeanne d'Arc et que j'entendais réellement des voix me parler dans ma tête mais disons que très souvent, j'avais la sensation de ne plus être moi-même et d'être guidé par une force imperceptible qui me conduisait à commettre des actes inavouables. Cela m'a amené à perpétrer pas mal de gestes odieux sur le ring mais j'en ai surtout payé le prix fort dans ma vie de tous les jours. Je ne vais pas énumérer toutes les erreurs de parcours que j'ai pu effectuer car la liste serait bien trop longue mais je sais aujourd'hui que j'en ai payé le prix fort à de nombreuses occasions. Désormais, j'ai la conviction d'avoir exorcisé ces vieux démons et je suis empli d'une sérénité totale.

Animateur - J'en déduis donc que Randy Orton n'a pas fini de nous surprendre?

Randy - Vous ne croyez pas si bien dire...

Auditeur - Il me tarde de vous voir à l'oeuvre dans ce cas. En tout cas, je vous remercie d'être passé dans nos studios et je vous souhaite le meilleur pour la suite.

Randy - Tout le plaisir était pour moi.

Samedi 20 septembre: ring de la EPWE (J-1 avant Evasion)

Effectuant quelques étirements de base, Randy Orton essayait de faire passer le temps comme il le pouvait. Sur sa droite, un technicien discutait avec ses supérieurs et veillait à ce que tout se passe comme prévu. Il était tellement agité qu'à côté de lui, Randy Orton paraissait d'un calme olympien et pourtant, il suffisait de scruter son visage pour s'apercevoir qu'il n'était pas aussi serein qu'on pouvait l'imaginer au premier abord. La tension, qu'il éprouvait, était palpable dans ses yeux mais il ne s'en inquiétait pas outre-mesure: il savait pertinemment qu'à l'instant-même où il effectuerait son entrée dans l'arène, il ressentirait une telle montée d'adrénaline que ses dernières angoisses s'évaporeraient en une fraction de seconde. Soudainement, la salle fut plongée dans le noir et une vidéo se lança sur l'écran géant.


Lorsqu'elle se termina, Randy Orton put clairement entendre les clameurs du public et il en eut la chair de poule: peu lui importait d'être applaudi ou hué pour le moment, l'important était ailleurs. Prenant une profonde inspiration, il jeta un coup d'oeil en direction du technicien qu'il lui confirma que l'heure était venue de se montrer sous le feu des projecteurs.





Quelques secondes après que la musique se soit lancée, Randy Orton sortit enfin de l'arrière-scène et profita de l'accueil que le public lui réserva. Demeurant immobile, il laissa son regard se promener dans la salle et ne put s'empêcher d'afficher un sourire conquis. Voilà pourquoi le catch faisait vibrer chaque parcelle de son corps: cette communion que l'on pouvait établir avec les spectateurs n'était comparable à aucune autre. Transcendé par les cris de la foule, Randy Orton se prit au jeu et agita frénétiquement ses bras afin de galvaniser les fans obtenant rapidement l'effet escompté. Finalement, il se décida à descendre la rampe à un rythme de sénateur tout en adressant quelques signes amicaux à des fans qui brandissaient des pancartes d'encouragement à son effigie. Par la suite, il grimpa les escaliers métalliques d'une manière nonchalante puis après avoir récupéré un micro qu'un technicien lui tendait, il s'installa au milieu du ring.

Randy - Au regard de l'accueil que je viens de recevoir, je pense qu'il est inutile que je vous rappelle qui je suis. Par le passé, j'ai souvent eu l'habitude d'être avare en compliments sauf quand il s'agissait de faire l'éloge de ma propre personne mais comme il n'y a que les cons qui ne se remettent pas en cause, je pense qu'il est temps pour moi de changer mon fusil d'épaule. C'est pour cette raison qu'avant de rentrer dans le vif du sujet, je tenais à vous remercier pour tout le soutien que vous m'avez apporté au cours de ces dernières années. Je suis un catcheur jusqu'au bout des ongles, c'est cette passion qui coule dans mes veines et qui s'exprime au travers de chaque battement de mon cœur. Ce ring est mon jardin: j'y ai cultivé mes rêves ainsi que mes espoirs et il m'a apporté des moments de joie d'une rare intensité. Seulement, que serions-nous, mes collègues et moi-même, si chaque soir vous n'étiez pas là pour vous délecter du spectacle que vous nous offrons? Vous jouez un rôle prépondérant dans le succès de ce sport parce que ce sont vos réactions qui décuplent notre motivation et nous donnent envie de nous surpasser. Vos encouragements sont notre source d'inspiration et c'est pour raison que chaque soir, nous faisons notre possible pour donner le meilleur de nous-même dans ce ring. Sans vous, nous n'existerions pas, ne l'oubliez jamais...

L'espace d'un instant, Randy Orton se tut afin de reprendre son souffle. Le public en profita pour manifester son approbation et des applaudissements spontanés résonnèrent aux quatre coins de l'arène. Lorsque les clameurs cessèrent brusquement, Randy poursuivit son speech.

Randy - Maintenant, l'heure est venue de s'attaquer au plat de résistance. Comme vous le savez tous, Evasion approche à grands pas et si vous attendez ce pay-per-view avec impatience, soyez convaincu que je ne suis pas en reste et qu'il me tarde d'effectuer mes débuts au sein de la fédération. Ce match à élimination, dans lequel j'ai été placé, promet d'être intense mais c'est surtout un défi de taille qui va me permettre de démontrer que je suis plus affûté que je ne l'ai encore jamais été. Je ne prétends pas que la victoire me tendra les bras à coup sûr mais mes adversaires devront sortir le match de leur vie si ils veulent me passer sur le corps. Bon nombre de mes adversaires ont déjà eu l'occasion de livrer leurs sentiments personnels au sujet de notre future confrontation et je les ai écoutés d'une oreille attentive. Loin de moi l'idée de vouloir leur donner des conseils mais il m'a semblé opportun de soulever un point sur lequel aucun d'entre eux n'a jugé utile de mettre le doigt. On ne gagne pas un match à élimination en cherchant simplement à foncer dans le tas sans réfléchir: en réalité, tout est une question de stratégie. Il faut savoir faire preuve de malice et attendre le moment idéal pour terrasser son adversaire. Or, je crois que durant ma carrière, j'ai démontré à maintes reprises que j'étais passé maître dans l'art de la ruse.  

Randy Orton fit une nouvelle pause pour se racler la gorge puis il reprit immédiatement la parole.

Randy - En aucun cas, je ne m'estime invulnérable mais c'est justement parce que je n'ai pas la prétention de me croire supérieur à mes opposants que je suis convaincu d'être encore plus dangereux que je ne l'ai été par le passé. Mon arrogance sans limité m'a souvent conduit à ma perte mais cette époque est révolue: je ne prends plus mes adversaires de haut gardant une concentration maximale pour ne rien laisser au hasard. J'ai travaillé sans relâche pour me construire cette armure sans faille et il ne tient qu'à moi de maintenir ce niveau d'exigence pour éviter que ma carapace ne se fissure. Victoria? Je ne peux m'empêcher de penser à toi à cet instant précis. En toute sincérité, j'admire ton cran et tu as fait preuve de beaucoup de panache en t'invitant dans ce match à élimination. Ton speech ne manquait vraiment pas de culot mais que cela te plaise ou non, tu as causé ta propre perte en agissant de la sorte. Dans ta position, tu aurais dû te faire toute petite pour que tes adversaires t'oublient et ainsi, tu aurais eu la possibilité de prendre tout le monde à revers. Au lieu de ça, tu t'es montrée méprisante à souhait et tu as chatouillé la fierté de tous tes opposants. Ne sais-tu pas qu'il n'y a rien de plus dangereux que de titiller l’orgueil d'un homme? Dans ces conditions, je ne donne pas cher de ta peau. Miz? Je voulais te demander: comment avance ta relation avec Damien Sandow? Vous êtes si mignons tous les deux que c'en est presque touchant. Plus sérieusement, j'espère de tout cœur que ta carrière d'acteur finira par décoller: le monde du cinéma en pâtira sûrement mais au moins, nous ne verrons plus ta tronche de premier de la classe dans les parages. Matt Hardy? Je te remercie de m'avoir cité dans ton interview mais comme tu sembles un peu sénile avant l'heure, permets-moi de te rafraîchir la mémoire: " The Legend Killer" n'est qu'un des nombreux surnoms que je possède et tu as beau prétendre que je ne dois mon succès qu'à ma famille, tu te trompes lourdement. Dois-je te rappeler qui m'a pris sous son aile lorsque j'ai débarqué à la WWE? Triple H, ça te dit quelque chose? Et à propos, si cela peut te rassurer, sache que je n'ai rien perdu de mon talent et que tu pourras en juger par tes propres yeux à Evasion. RVD, Jack Swagger? Je suis conscient qu'il ne sera pas tache aisée de vous éliminer mais croyez-moi sur paroles, je possède bien plus d'une corde à mon arc pour vous résister. La vipère est sortie de son hibernation et elle a les crocs: vous êtes prévenus.

Sur ces derniers mots, Randy Orton lâcha le micro puis il monta sur le coin pour effectuer sa pose habituelle.


Il quitta ensuite le ring en direction de la scène puis arrivé sous l'écran géant, il se retourna une ultime fois et envoya un baiser au public avant de disparaître dans les coulisses.